Eté 2001
Les retrouvailles étaient superbes… Mais très vite, je vais me rendre compte qu’il y avait quelque chose qui clochait. Il y avait une autre fille, enfin c’est ce que j’ai pensé. Il me parlait désormais de programmes personnels c’est-à-dire des programmes qu’il pouvait avoir sans moi et je n’avais pas à savoir où il allait et ce qu’il faisait, aussi il fallait que je m’enquiers à l’avance de sa disponibilité avant de venir le chercher chez lui. Je n’ai rien compris, pire j’étais perturbée. Il chamboulait tout entre nous.
Un soir, j’étais chez moi à visionner un film, mon esprit était ailleurs. On a sonné au portail. Je suis allée ouvrir, quelle belle surprise, c’était Gaëtan l’ami d’Eb. Il me l’avait présenté à leur arrivée.
- Salut Mikki
- Hey Gaëtan que me vaut cet honneur ? Entre
- Je voulais juste savoir comment tu vas ce soir
- Je vais bien, c’est vrai que je me sentais un peu seule
- J’espère que tu vas te sentir moins seule maintenant que je suis là
Gaëtan est arrivé cet Eté avec Eb, c’était l’un de ses meilleurs amis m’a-t-il dit. Il était très drôle et sympathique. Il n’avait de cesse de me regarder à la volée… Surtout, il va se montrer très attentionné à mon égard ; bien plus qu’Eb !
Les résultats du Bacc étaient enfin disponibles, j’avais été reçue. Quelle joie et pour fêter la nouvelle, Eb va organiser une virée en boite en mon honneur. Il y a du monde comme à chaque fois qu’on sortait en boîte de nuit : des personnes que je ne connaissais et que je ne connaissais pas. Quand cette fille va arriver, Eb sera tellement mal à l’aise et il va finir par disparaitre, je ne le verrais plus de la soirée, heureusement Gaëtan était là ; toujours attentionné, toujours une blague pour m’arracher un rire. Il a réussit à me redonner la bonne humeur.
Cette fille je l’ai vu plus d’une fois chez Eb, je pensais que c’était une de ces cousines… Quand je lui ai demandé qui c’était et il n’a rien dit. Il a froncé le visage. Il voulait plutôt savoir ce que j’allais faire après mon Bacc, avais-je des intentions de venir en France poursuivre mes études ? Ce serait cool, on pourrait vivre ensemble. Je n’étais sure de rien. Je n’en avais pas discuté avec mes parents et je n’étais pas sure que ça se fasse parce qu’ils n’avaient pas les moyens de subvenir aux besoins d’un enfant qui fréquente à l’étranger.
Deux jours et je n’ai pas de nouvelles, il me manque… Je décide d’aller chez lui par ce bel après midi. Ah, il m’avait pourtant dit de le prévenir avant de débarquer chez lui… Le portail était ouvert, je n’ai pas sonné, suis entrée. Je voulais passer par la porte arrière, celle du garage. Elle mène plus rapidement à sa chambre. Là j’ai surpris une conversation entre sa mère et lui :
- Je t’ai dit de cesser de voir cette fille, tu devrais mieux te concentrer sur ta fiancée
- Maman…
- Laisse-moi finir stp. Nous devons rendre la politesse à ses parents en les invitant à notre tour chez nous qu’en penses-tu ?
Je suis repartie en courant, désemparée. Dans ma course effrénée, je suis tombée sur Gaëtan. A la vue de mes larmes, il m’arrête et veux savoir ce qui se passe :
- Hey Mikki, qu’est ce qui ne va ?
- Tu le savais n’est ce pas ?
- Tu parles de quoi ?
- Eb et sa fiancée
- Ah je vois, viens, ici n’est pas le lieu pour en parler.
Nous sommes allés dans un parc public, il y avait là des chaises. Il m’a tout dit. En fait c’est depuis la fin de l’été dernier que sa mère est contre notre relation, les raisons évoquées : ma famille n’est pas comme la leur (pour dire que leur famille est mieux nantie financièrement que la mienne), de plus nous ne sommes pas du même village, en effet Eb est de l’Ouest du Cameroun et moi du Littoral. La fiancée était aussi de l’Ouest et sa famille très connue et fortunée. Je connaissais moi aussi la famille de sa fiancée, elle était en effet très influente.
J’étais effondrée, voilà ce qu’il me cachait depuis tout ce temps : il allait se marier. La dot avait déjà eu lieu et le mariage civil allait suivre… Je n’avais de cesse de pleurer, il n’avait même pas eu la décence de m’en parler. Je comprenais sans comprendre. Je n’avais pas de ses nouvelles et le pire c’est qu’il me manquait, tout chez lui me manquait : son regard, ses provocations, ses caresses…Je pensais à lui et il est apparu dans ma chambre, il a essuyé les larmes qui terminaient leur course sur mes joues.
Il savait que j’étais au courant, il est désolée, il ne sait quoi dire de plus. Lui avait terminé ses études et moi je commençais les miennes c’était peut être mieux ainsi. Je suis jeune et je vais surement rencontrer quelqu’un de mon âge et être plus heureuse. Il venait me dire aurevoir, il devait passer deux semaines dans son village avec sa fiancée… naturellement. A son retour, il aurait une belle surprise pour moi… Je m’en fichais de sa surprise. Il a voulu m’embrasser, j’ai refusé. Il est sorti, j’avais le cœur meurtri. Des pleurs à nouveau. Je me suis levée du lit pour fermer la porte à clé, c’est à ce moment qu’il est entré à nouveau et à refermer à clé derrière lui… Nous avons fait l’amour. « Je t’aime, tu sais », « mais c’est elle que tu vas épouser ».
J’étais devenue bi-polaire, je passais facilement des larmes au rire et de la colère à la joie. J’étais plus déprimée qu’autre chose, mais Gaëtan mon ange gardien… était là pour moi. Il est venu me voir tous les jours. Il en avait marre de me voir enfermé alors il m’a invité chez lui, il fera de la pizza, j’aimais la pizza, je n’en avais jamais mangé fait maison. Il est venu me chercher, il a suggéré qu’on y aille à pieds, c’est un peu loin, mais ça nous fera du bien de marcher sous le soleil couchant.
Ses parents ont une bien belle demeure, sa mère avait adorait les fleurs, il y avait des roses de plusieurs couleurs. Il m’a fait faire le tour du propriétaire. C’était vaste. Ensuite, nous sommes allés à l’étage, au balcon où il nous a servi la pizza et le jus d’orange. Ca avait l’air bon, sauf que l’odeur de la mozzarella va me donner la nausée… à tel point que je vais vomir. Inquiet, il m’a conduit dans sa chambre pas loin du balcon pour que je me nettoie. Il y a une salle de bain. L’eau sur mon visage va me faire du bien, j’ai des vertiges, il faut que je m’allonge. Je me mire, je suis pâle. Je m’allonge sur son lit. Pendant ce temps, il nettoyait dehors.
- Hey Mikki que fais-tu ?
- Je me suis allongée, j’ai des vertiges. Je suis désolée
- Est-ce grave ?
- Ca va aller. Pourrais-tu stp venir t’allonger avec moi ? J’ai besoin de sentir une présence.
- Vraiment ?
- Oui, S’il te plait, juste un moment
- Ok
C’est ainsi qu’il s’est allongé derrière moi, je lui tenais la main. On est resté ainsi 1O min environ sans mots. J’avais les yeux fermés, je ne pensais à rien. C’était le vide autour de moi. Je m’endormais sans doute, je ne sais plus et j’ai entendu : « Pétasse » ; j’ai juste eu le temps d’ouvrir les yeux et voir Eb sortir de la chambre et Gaetan bondir du lit pour le suivre.
Je n’ai plus revu Eb. J’ai appris que son mariage civil avait eu lieu. Je n’avais plus la force pour pleurer, je ne savais même plus ce que je voulais faire comme étude, la fin de l’été était là ; elle sonnait comme toujours la fin des vacances. J’ai supplié mes parents de m’envoyer dans une université d’Etat n’importe laquelle, mais loin de Douala.
Gaëtan s’en allait, il est venu me dire aurevoir. Il m’a apporté un joli bouquet de roses du jardin de sa mère
- Oh C’est trop gentil de ta part
- C’est bien peu de choses pour une jolie princesse. Ca va toi ?
- Ca essaie d’aller…Tu es quelqu’un de bien, tu vas me manquer. J’espère qu’avec ton ami ça va s’arranger…
- T’inquiète pas pour ça et si c’était à refaire, je le referai.
- Merci, tu as été le rayon de soleil de mon été… Merci pour tout.
- Prends soin de vous …
Moi aussi, je devais m’en aller, mais avant, je voulais fermer ma boite e-mail, elle n’avait plus de raison d’être… Une surprise m’y attendait, un mail d’Eb, elle était odieuse, il me traitait de coureuses de mecs. Il faisait référence à la scène chez Gaétan… Le seul homme que j’aimais pensait que j’avais couché avec son meilleur ami, il traitait mes sentiments à son endroit de « fake », les filles de ma contrée sont réputées être des allumeuses, des filles légères, et il constate que je n’avais pas fait exception. Sa mère avait eu raison me concernant… J’étais désemparée. Deux jours plus tard, je suis revenue au cyber café pour répondre à son mail, il devait me rester 15 min de temps de connexion : « Je pensais te connaitre, mais je me suis trompée. Tout comme les apparences sont assez souvent trompeuses. Je vais travailler sur moi pour te pardonner. Je te souhaite du bonheur et la paix dans ton cœur. Mikki »