Est-il utile d’être sincère ? De nos jours, le paraître l’emporte sur l’être. Tant que je me demande s’il n’est pas un peu illusoire de vouloir faire la publicité de la sincérité ? Vertu (si on peut dire ça) pour le moins difficile à atteindre.
Un peu d’histoire :
Les stoïciens faisaient consister une bonne partie de leur philosophie à se connaître soi-même. « La vie, disaient ils n’était pas trop longue pour une telle étude ». Il n’était pas difficile de voir que ceux qui conseillaient à leurs disciples de travailler à se connaître ne se connaissaient pas eux-mêmes ! De nos jours on entend dire ci et là : « je le connais, mieux que lui-même et mieux que moi-même ! ». Les moyens qu’utilisaient les stoïciens pour y parvenir rendaient le précepte inutile parce qu’ils voulaient que les disciples s’examinent sans cesse comme si on pouvant se connaître en s’examinant…
Je voudrais parler aujourd’hui de la Sincérité…Ces dernières années j’étais (je suis encore) en relation avec des personnes qui n’ont jamais été sincère. Pour le bénéfice du doute, je dirais donc qu’elles l’ont été une fois sur cinq. Est-ce une qualité qui se fait rare ou alors est juste plus difficile à atteindre ?
Vous le constaterez, même le dictionnaire n’est pas très généreux pour définir le mot sincérité : Déf. de l’internaute : caractère sincère, synonyme : droiture, franchise, loyauté, …
Il y a cette sagesse millénaire qui dit : « Connais-toi toi-même », c’est déjà un bon départ pour la piste de la sincérité. Mais est ce si simple ? Montesquieu dans son texte : Éloge à la sincérité (voir pages 112 à 115) contrarie cette ambition en déclarant impossible l’introspection. Bien avant lui, Freud, le philosophe avait saisi l’impossibilité d’être « transparent à soi ». Aveugles de nous-mêmes, nous avons besoin d’une tierce personne pour nous renvoyer une image de nous, même si elle peut être déformée.
Qu’attend-t-on de l’autre, sinon qu’il soit sincère ? : Compagnon ou compagne, voisin, homme politique…ou client. Adepte de la franchise, de la loyauté. La sincérité, celle qui nous permet de dire à autrui ce que l’on pense de lui. Mais cet état de chose dérange…Pour E. Kant, il est impossible pour l’homme de penser sa sincérité, dans la mesure où elle n’est en rapport à soi que par l’intermédiaire d’une « réalité marquante », d’un acte pouvant se confronter au regard de la morale, de l’éthique, d’autrui aussi et surtout. En résumé donc, tout se joue entre moi et le caractère universel de la vérité (dans l’action) dont je suis capable. Cela revient à faire abstraction de soi ; à devenir inhumain (c’est-à-dire à s’extraire de sa subjectivité individuelle) pour pouvoir concilier morale et sincérité. En somme et sans entrer dans les nuances philosophiques de la morale et de l’éthique, on peut parler de sincérité quand il s’agit d’agir moralement. Aussi, tout comme je suis sincère dans mes rapports avec autrui, je ne peux que logiquement imaginer que l’autre est de bonne foi. Faire tout ce qu’un être humain normalement constitué devrait faire à ma place ; à cet effet bannir la méfiance de nos relations.
D’aucuns me disent que la sincérité est une vertu désuète et condamnée d’office, parce que vue telle que je la présente, il est difficile, voire impossible pour certains de ne pas être méfiants, de se toujours se protéger dans une relation. Je suis cependant convaincu qu’il ne suffit pas de se dire sincère ou de se penser sincère pour l’être ; parce qu’autrui doit valider cette « vérité ». La sincérité appelle le courage, celui d’affronter autrui mais aussi soi-même.
Il y a cette amie dans ma vie, je me suis toujours demandée si c’est une amie…Je fais toujours l’effort d’être sincère envers elle, mais quand c’est à son tour de me rendre la politesse. Si je crois en tout ce qui est doux, je me méfie de la douceur d’une flatterie, un peu comme ce que je vois sur des profils facebook… (lol). Une simple personne qui n’a que la vérité à dire est regardée comme le perturbateur du plaisir public. On le fuit parce qu’il ne plait point, on fuit la sincérité qu’il partage surtout si elle ne porte des fruits attendus. On le redoute parce qu’elle révolte l’orgueil entre autres qui est la plus chère des passions, qui nous fait voir notre réelle personne…Je ne m’étonne donc plus qu’elle soit si rare : elle est chassée, elle est proscrite presque partout (autrement on méchant ou vilain ou pas subtile….) Elle trouve à peine asile dans le sein de l’amitié sans grandes colères. Ôter la sincérité de l’amitié, c’est défigurer l’essence même de celle-ci. Un ami ne devrait pas que faire nos louanges, mais nous montrer, pointer du doigt ces choses qu’on ne peut voir de nous-mêmes. Mon amie ? Alors elle reste mon « amie », c’est juste un nom qu’on se plait à dire lors des présentations, un peu comme ces pierres tombales avec des inscriptions qui ne sont que de vains messages de ce qui n’est point.
Le peu de sincérité qui pourraient rester en nous, d’aucuns se battent pour la perdre afin de se conformer au siècle présent, afin de ne pas passer pour des personnes singulières. On vit dans cet esclavage qu’est de déguiser ses sentiments ou dire ce qui n’est pas pour plaire, pour séduire.
Alors Oui, pour moi clairement la sincérité doit rester de mise dans toute relation autant que faire se peut. Ce n’est pas une vertu (?) (je préfère dire exercice) facile, mais faut s’exercer à la mettre en pratique autant que faire se peut.