Il pleut dehors depuis un moment déjà, la salle est vide ou presque. Quelques heures avant, elle était pourtant pleine ; des personnes qui attendent quelqu’un ou leur tour. Elle, était devant la baie vitrée, pensive, le regard perdu à regarder la pluie tomber sans fin. Elle attend.
Je ne saurais dire depuis combien de temps elle était là, mais elle a vu des gens arriver et partir. Ses yeux étaient rivés sur l’autre porte, celle qui est interdite d’accès tant qu’on ne vous a pas appelé. Elle attendait toujours son tour, mais rien n’arrivait. Elle attend depuis longtemps déjà, rien ne venait nourrir son attente. C’était ce genre d’attente pénible et cruelle. Elle s’est dit qu’elle devait peut être partir… Elle se leva résolument pour aller vers la porte de sortie de cette salle ni trop petite, ni trop grande. Elle sortit ; elle huma l’air frais. Il avait cessé de pleuvoir.
Elle marchait vers la sortie, se demanda ce qu’elle va faire. Elle ne voulait surtout pas rentrer, pas tout de suite. Elle eu soudain envie de crêpes. Ce n’est pas qu’elle aimait tant que ça cela, mais c’était dans une crêperie qu’elle l’avait rencontré ; l’ambiance y était toujours bonne, presque familiale. Ils y avaient connu des moments heureux à chaque fois. Elle sourit, sa décision était prise. A mesure qu’elle approchait du portail, une pensée traversa son esprit : « Et si c’était ton tour maintenant ? » Oh non, elle ne pouvait pas se permettre de manquer ce pourquoi elle était en attente depuis. Elle changea d’avis et retourna dans la salle d’attente.
Elle devait attendre, il le fallait, elle se le devait, elle le lui devait. Elle était prisonnière de cette salle tant qu’elle n’a pas vu celui qu’elle attendait, tant qu’elle n’aura pas le message de l’infirmière lui indiquant que c’était enfin son tour.
La salle était de nouveau pleine. Tant mieux car elle en a encore pour un moment, la présence des autres est parfois rassurante, même si au fond est tout seul. Elle joua au jeu de deviner les pensées des gens à l’expression de leur visage. Il y avait des inquiets, des résignés, ceux qui semblent avoir perdu espoir, ceux qui espèrent, ceux qui comme elle ; semblent attendre sans savoir pourquoi…
Il est dit qu’il vaut mieux ne pas avoir des attentes car la déception est très souvent ce qui vous attend à l’issue. N’y aura-t-il pas des exceptions ? Elle a pourtant vu des personnes en attente sortir de cette salle le sourire aux lèvres. Elle attendra le temps qu’il faudra, elle ne pouvait pas repartir sans lui. Il l’avait amené là. Il a pris l’autre porte et n’en était jamais ressorti. Lui avait il dit de l’attendre ? Non. Juste : « J’arrive ».
Contre toute attente, elle le vit à l’extérieur, visiblement il s’en allait. Par où est il sorti ? Elle n’avait pourtant pas bougé. Dieu seul sait depuis combien de temps elle attendait. Elle avait depuis longtemps déjà cessé de compter les heures. Serait-il sorti au moment où elle avait pensé partir ? ca ne lui a pris que quelques minutes avant que la raison lui revienne. Elle l’attend depuis des heures, voir des jours et lui en quelques minutes, il n’a pu attendre ? Ou alors, c’était autres raisons… ?
« Le tragique est toujours dans l’attente, non dans la catastrophe. Aussi le temps se trouve être le personnage principal de toute tragédie. » Elle n’avait pas envie de donner raison à Alain dans sa citation. Mais la réalité était pourtant là devant ses yeux. C’était dur de l’accepter, d’y croire, il y avait surement une bonne raison, du fait qu’il soit dehors entrain de s’en aller, sans elle, la laissant en attente.
Sa conscience voulait lui dicter autre chose, il fallait pourtant qu’elle se hisse du trou noir où elle se trouvait pour faire face enfin à ce moment inévitable qui est la réalité des choses. Elle devait faire face à la réalité, à la vérité. C’est angoissant !
Il est difficile de dire adieu quand on veut rester, compliqué de rire quand on veut pleurer, douloureux de baisser les yeux quand on veut regarder, mais le plus terrible est de devoir oublier quand on veut aimer
La salle était de nouveau vide, elle attendait toujours, devant la baie vitrée regardant dehors. La pluie avait repris. Des larmes roulaient le long de ses jours. Qu’avait elle espéré ? Elle devait peut être aussi partir, même si aucune infirmière n’est venue l’appeler ou que personne ne l’a rejoint pour sortir de cette salle. Elle sécha ces larmes traitresses et retourna s’asseoir. Une infirmière entra et s’adressa à elle :
— Madame les admissions sont terminées pour aujourd’hui
— Je sais
— Attendez-vous quelqu’un ?
— Je ne sais pas.
L’infirmière semblait troubler par cette réponse
— Vous pouvez rester si vous voulez, avec cette pluie difficile d’aller loin.
L’infirmière s’en alla.